palpitation spacieuse

Il y a quelques années j'avais découvert cette installation (ou sensiblement la même), dans une galerie de la rue Louise Weiss. Almine Rech sûrement. Je me souviens de l'hésitation du départ, en pénétrant dans l'espace noir (encore plus noir)  avec au fond un rectangle rouge rose, qui semblait venir de nulle part, n'être rattaché à rien, se mouvoir de l'intérieur, très doucement. Je me souviens d'avoir senti la perte de repère, le changement de la perception,  la sensation de marcher dans quelque chose de flou, d'oser, à peine, avancer, en me demandant si j'atteindrais le fond de la couleur, si même il y avait un fond, la couleur et la lumière comme une aspiration et en même temps un mur à franchir. Je me souviens d'avoir traversé  le halo en me disant que je pourrais m'y dissoudre, moi aussi me fragmenter en des milliers de particules. Je me souviens être arrivée au bout et avoir gardé la sensation intacte. C'était la première fois que je voyais une oeuvre de James Turrell. Depuis, j'en ai expérimenté d'autres. Aujourd'hui, encore une fois, j'ai été saisie par un léger moment de déséquilibre, de vertige, d'incertitude... la couleur est si belle, si étrange, mystérieuse. J'aime comment J. Turrell nous fait toucher la réalité d'un espace improbable, nous connecte à une partie invisible de la matière.  Georges DiDi-Huberman parle de James Turrell comme de "L'homme qui marchait dans la couleur". (Les éditions de minuit). James Turrell quant à lui déclare "la lumière est le matériau que j'utilise, la perception le médium, mon travail n'a pas de sujet, la perception est le sujet, il n'y a pas d'image car la pensée associative ne m'intéresse pas." Il faut marcher dans l'oeuvre, aller jusqu'à elle, faire corps avec elle, même pour une fraction de seconde. Palpitation spacieuse.

James Turrell, Galerie Almine Rech, jusqu'au 27 juillet 2013. www.alminerech.com