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cortexMisia
25 novembre 2009

TEXTILE/TEXTUELLE

Wen Hui / Memory ou coudre le récit de la mémoire à petits points.

Une jeune femme sur la scène, enfermée dans un enclos de voile, est assise devant une machine à coudre. Elle coud sur des feuilles de papier, qui tombent les unes après les autres sur la scène. Elle écrit son histoire avec du fil et une aiguille, dans un geste mécanique de la machine.

Les premiers mots à défiler sur les voiles écrans sont « La mémoire » et « Se souvenir », écrit en chinois et en français..

En les voyant traverser ainsi l’espace, apparaître puis disparaître, il me semble que je perçois ces mots dans leur cœur.

La mémoire, même moi re , la mémoire fait retrouver un même de moi d'avant.

Se souvenir, ce qui est sous vient, remonte à la conscience, le sous (d’avant, enfoui) est à venir.

L’avenir est fait de sous-couches qui reviennent. Le passé aussi.

En plus des mots,  sur les voiles écrans sont projetées des images:photos, vidéos témoignages, dessins d’animation, où Wen Hui laisse libre cours à la distorsion. Entre les symboles de la Chine millénaire et ceux de la Chine populaire, coupés de mémoire.

Au fond de la scène, une autre femme. Elle va traverser la scène doucement, dans un mouvement continu où elle tend son corps vers l’arrière, arcboute son dos, comme un pont auquel il manquerait un côté,  et se redresse, revient au centre. La femme qui coud a relevé des pans des écrans de voile, ouvrant ainsi le passage au corps de la femme qui marche. Sa silhouette surgit du noir, lumière lointaine qui se rapproche, venue de derrière, du plus lointain de la mémoire, traversera l’opacité pour apparaître dans la lumière.

De quoi je me souviens ? Quoi se souvenir ?

« Une montre, une bicyclette, une machine à coudre » étaient les trois choses à posséder pour une famille chinoise au moment de la révolution culturelle. Pour survivre ?

Comment résister au rouleau compresseur qu’est la société chinoise avec le régime communiste et son dirigeant Mao ?

Quelle mémoire peut naître de l’anéantissement ? Quels souvenirs de soi sont possibles quand tout a été fait pour que tous les gens soient pareils, les mêmes vêtements, la même coupe de cheveux, le même mouvement de corps, des milliers de corps pour n’en former qu’un : le corps social chinois, le corps unique de la société chinoise. Soumis à la vénération de Mao et aux figures héroïques fabriquées de toutes pièces, à l’impossibilité de penser autrement qu’en dehors de la propagande. Corps souillé?

Dont on se lave et on se sèche inlassablement. Sans jamais se décrasser.

La mémoire est elle vivante ou atrophiée, personnelle ou fabriquée ?

Avec ce spectacle, on assiste à une longue évocation tamisée du souvenir .

Contre l’oubli, devenu ignorance.

Pour un oubli, à traverser avant de renaître à soi.

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cortexMisia
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